L’épuisement silencieux des femmes
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Je ne parle pas de moi, pas cette fois.
Pour être honnête, moi, ça va. J’ai trouvé un certain équilibre, fragile mais réel.
Par contre, il n’y a pas si longtemps, j’ai dû faire des changements majeurs pour retrouver un équilibre perdu…
Mais ma constatation est réelle : autour de moi, je vois les femmes s’essouffler.
Pas s’écrouler. Juste s’user doucement, dans le silence et la performance.
Tirées par une société qui récompense l’endurance au détriment de la santé mentale.
Elles ne s’effondrent pas, elles continuent. Elles “tiennent le fort”.
Elles gèrent, elles veulent bien faire, être présentes, aimer fort, exceller au travail, s’occuper de tout et de tous. Mais à force de tout tenir à bout de bras, les bras tremblent.
Une fatigue qu’on ne voit pas
C’est une fatigue de fond, diffuse, qui vient de trop de choses en même temps.
On travaille, on gère, on pense à tout.
On veux réussir notre carrière, être de bonnes mères, de bonnes amies, des femmes conscientes, présentes, en santé, épanouies...
Et on se bat chaque jour pour y arriver, sans se plaindre. Et c’est tough!
Mais la vérité, c’est que cette équation ne fonctionne plus.
Au fond, ce qu’on nous a vendu comme la liberté s’avère n’être qu’un mirage…
Les données le confirment
Ce que j’observe autour de moi, les chiffres le traduisent froidement :
- Au Québec, en 2022, seulement 60,6 % des femmes disaient avoir une santé mentale “excellente ou très bonne”. Ça veut dire que 40 % des femmes ne ''feelent'' pas.
- Les femmes consacrent en moyenne 2,3 heures par jour aux tâches domestiques, sans compter les soins à la famille et l’organisation.
- 33 % des femmes déclarent vivre des exigences psychologiques élevées au travail.
- Et selon une étude du Fonds de recherche du Québec (FRQ), la charge mentale, cette gestion invisible du quotidien, reste disproportionnellement portée par les femmes, même dans les foyers dits égalitaires.
Ces chiffres ne racontent pas toute l’histoire, mais ils valident un ressenti collectif.
Les femmes, aujourd’hui, portent beaucoup. Trop.
Le désalignement silencieux
Ce qui me frappe le plus, ce n’est pas seulement la fatigue, c’est la perte de sens qui l’accompagne. Beaucoup de femmes que je côtoie sont brillantes, sensibles, conscientes.
Mais elles se sentent désalignées de leurs valeurs, comme si leur vie s’était construite à une vitesse qui ne leur appartient plus.
Elles courent après une version d’elles-mêmes qu’elles n’ont pas choisie.
Elles veulent bien faire, trop bien faire.
Elles veulent être performantes au travail, présentes à la maison, équilibrées émotionnellement, engagées, et j’en passe.
Une mission quasi impossible à soutenir.
Et quand le corps ou l’esprit craque, la culpabilité s’ajoute.
Parce qu’on a donc “tout pour être heureuses”.
Parce qu’on se dit qu’on devrait juste “mieux s’organiser”.
Alors on lit des livres de gestion du temps, on suit des coachs sur les réseaux sociaux qui nous répètent que c’est nous, le problème…
Mais ce n’est pas un problème d’organisation.
C’est un problème de modèle.
Le poids du double message
La génération actuelle de femmes a grandi avec un message double :
“Tu peux tout faire.”
Et, implicitement : “Tu dois tout faire.”
On a obtenu l’égalité, mais pas forcément l’équilibre.
On a gagné la liberté, mais souvent au prix d’un surcroît de charge.
Et dans un monde où tout s’accélère; carrière, parentalité, pression financière, exposition constante. Il ne reste presque plus d’espace pour réfléchir à ce qu’on veut vraiment, à qui nous sommes.
Le coût de la vie augmente, le coût du sens aussi.
On veut “faire beaucoup de sous” pour se payer une vie qui nous échappe…
puis on se demande pourquoi, au fond, on se sent vide.
Ce que je crois
Je ne crois pas que les femmes soient fragiles.
Au contraire : je crois qu’elles ont été trop fortes, trop longtemps.
Elles tiennent, elles réparent, elles compensent, elles s’adaptent.
Mais personne ne peut avancer indéfiniment sans pause, sans appui, sans cette reconnexion essentielle à ce qui fait du bien. À soi. À ses valeurs profondes.
Pour moi, ce moment de bascule est venu avec la maternité et la pandémie.
J’ai vécu mon deuxième congé de maternité en 2021, et pour la première fois de ma vie, je me suis vraiment arrêtée. J'ai pris le temps de réfléchir au sens, à ce que je voulais créer, incarner, transmettre. Ça a été confrontant, inconfortable, parfois bouleversant, mon chum n'était pas toujours d'accord...
Car faire des changements ça fait peur, c’est vrai.
Mais la vie m’a appris que ce qui fait peur, c’est souvent ce qui nous rapproche le plus de nous-mêmes. Au fond, la vraie réponse, on la connaît. On sent ce qui est désaligné, ce qui sonne faux. Mais on a peur des conséquences : de décevoir, de perdre, de sortir du cadre.
Alors on attend… mais à quelle prix.
Peut-être que la solution, c'est justement de requestionner le modèle
Peut-être que la clé, c’est de redéfinir ce qu’on veut vraiment avoir.
Pas le “tout”, mais le “juste”.
Pas la perfection, mais la cohérence.
Peut-être que la vraie liberté, c’est de choisir ce qu’on garde.
Parce qu’au fond, ce que nous voulons, ce n’est pas d’en faire plus, mais assez.
Le gâteau au chocolat, c’est bon, mais en manger trop, ça finit par donner mal au cœur !
C’est de pouvoir respirer, choisir, aimer, créer, contribuer…
sans s’épuiser à se prouver qu’on en est capables.
Parce qu’avant de vouloir tout tenir, il faut apprendre à se tenir soi-même.
Bonne réflexion, avec douceur,
Mylène et Carolane xx