Je suis riche…
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Je suis riche. Et pas qu’un peu.
J’ai deux voitures, une maison, une piscine dans la cour.
Un garage rempli de choses que j’oublie d’utiliser, sans parler du cabanon qui déborde.
Une télévision beaucoup trop grosse, des armoires pleines, un cellulaire dernier cri.
Je suis riche matériellement, mais en plus..
Je suis riche…Pas d’argent, pas de biens, mais d’une richesse qu’on oublie de voir, parce qu’elle est devenue trop ordinaire.
Je suis riche de la vie qui m’entoure : du bruit de mes enfants qui courent partout, du chaos d’un matin pressé, de l’odeur du café, du silence rare après la tempête.
Je suis riche parce que je vis dans un endroit où la paix ne se négocie pas.
Où l’eau est propre, où les saisons me rappellent le passage du temps,
où la nature me traverse encore, malgré le béton et la vitesse.
Et pourtant, souvent, j’oublie. Je me sens vide. Fatiguée. Envahie.
Le verre à moitié vide
Nous vivons dans une culture qui nous pousse à chercher ailleurs ce qui est déjà là.
On se plaint du trafic, des factures, du désordre. On se dit fatigués, vidés, dépassés.
Et c’est vrai.
Mais si on s’arrêtait une seconde, juste une, on verrait que le problème n’est pas ce qu’on vit, mais comment on le perçoit. C’est paradoxal, mais humain.
Notre cerveau n’a pas évolué au rythme de notre confort. Il fonctionne encore comme à l’époque où il fallait survivre.
Il détecte les menaces, les manques, les comparaisons. Il cherche la nouveauté, croit que le changement guérit le vide. Mais ce vide, bien souvent, c’est juste le bruit de tout ce qu’on ne prend plus le temps d’écouter. Même quand tout va bien, il cherche le « danger » : ce qui cloche, ce qui pourrait être mieux. C’est un réflexe biologique, pas un défaut de caractère. Notre cerveau n’est pas fait pour le bonheur permanent. Il est conçu pour la survie. Alors, même dans l’abondance, il continue de pointer ce qui ne va pas.
On finit par confondre confort et fatigue, liberté et routine.
Le piège du quotidien
Alors on chiale, oh que oui on chiale; que les enfants crient trop, que la vaisselle déborde, que la lessive ne finit plus, que le temps manque toujours, qu’on est trop occupé.
Mais si on prend un pas de recul tout ça, c’est aussi de la richesse.
Des enfants en santé, de la nourriture, des vêtements, une vie qui bouge.
Du bruit, parce qu’il y a de la vie. Du désordre, parce qu’il y a de l’abondance.
Ce n’est rien d’autre que le reflet de nos choix au fait.
Notre culture nord-américaine a transformé la survie en performance.
On n’a plus à chasser pour manger, alors on court pour réussir.
On n’a plus peur de manquer d’eau, alors on a peur de manquer de temps.
Et au passage, on oublie la gratitude simple d’être ici, dans un pays libre, stable, éduqué, où on peut aimer, créer, choisir.
Revenir à la conscience
1. Nommer la richesse ordinaire
Quand tu sens la fatigue monter, observe : qu’est-ce que cette fatigue révèle de ta chance ?
- Les jouets qui traînent → des enfants présents.
- La vaisselle → des repas partagés.
- Les factures → un toit, de l’électricité, une vie active.
Nommer, c’est ramener ton cerveau dans le concret.
2. Respirer avant de fuir
On a appris à s’échapper dès que le vide apparaît, par une distraction, un projet, une évasion. Mais la paix ne se trouve pas ailleurs.
Inspire, expire, reste. Souvent, le malaise se dissout dans la simple présence.
3. Changer la question
Au lieu de « qu’est-ce qui me manque ? », essaie : « qu’est-ce que j’ai déjà ? »
Ça paraît simpliste, mais c’est une vraie rééducation neuronale.
Le cerveau finit par chercher ce qu’il y a de bien, au lieu de pointer ce qui cloche.
La vraie richesse
Aucune de nous n’est à l’abri du vide.
On peut tout avoir; une famille, une carrière, une maison, et sentir malgré tout un manque diffus. C’est normal. Ce n’est pas de l’ingratitude, c’est juste le fonctionnement de l’humain moderne. Ce qui compte, c’est de reconnaître cette boucle, sans se juger.
Et doucement, d’apprendre à revenir à soi.
Notre culture nord-américaine entretient cette illusion.
Elle nous apprend à combler chaque vide : un voyage, un achat, une nouvelle activité, un projet. On veut « déconnecter » alors qu’en réalité, on veut juste se retrouver.
Mais tant qu’on ne change pas notre regard, on revient toujours au même point.
Le bruit continue, sous d’autres formes.
Et si la vraie richesse, c’était de savoir s’arrêter et contempler ce que l'on a?
De voir la beauté dans ce qui est banal : un repas chaud, des enfants qui rient (ou crient), un rayon de soleil sur le plancher. De sentir le privilège d’être en sécurité, d’avoir le droit de choisir, d’aimer, de vivre ici, au Québec, un endroit imparfait, mais profondément libre.
On cherche des destinations pour trouver la paix,
alors qu’elle se cache dans les interstices du quotidien.
Dans ce moment où tout est là, où rien ne manque, sauf le regard conscient qui le reconnaît.
Et si la vraie richesse, c’était simplement ça; être consciente de vivre et savoir calculer notre chance?
Avec douceur,
Mylène et Carolane XX